L’avenir politique sera mâle ou ne sera pas

La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente.
Françoise Giroud – Interview Le Monde, 11 mars 1983

S’éloigner très momentanément de Bruxelles et de ses tractations pour s’intéresser, malgré leur banalité, aux hommes politiques français. L’Hexagone a vécu, le dimanche 9 juin au soir, une scène surréaliste. Un Président, pour des raisons manifestement plus personnelles que stratégiques, annonce à son peuple, aux « gens de rien », la dissolution de l’Assemblée nationale. Comme un petit garçon – encore un autre – qui tape du pied parce qu’il est vexé de ne pas être l’attention d’une majorité d’électeurs, il saisit son jouet et le brise au sol. Peu importent les dégâts. Et les peurs.
Depuis lors, non seulement la France et ses commentateurs mais aussi l’Europe entière en pleine discussion et pourparlers pour les fonctions de haute importance au sein de la Commission européenne, ont le regard braqué et l’attention détournée sur nos tambouilles politiciennes. Les liens se dénouent ou se nouent sous la menace. Les ambitions s’affinent et s’affirment. Et pourtant la France s’affaiblit sur les scènes européenne et internationale. Nous avons affaire à de grands stratèges… face à une extrême-droite qui se frotte les mains.

Une constatation, les uniformes « costards-cravates » sont la norme. Attention, danger ! Mesdames, vous ne faites plus partie de la ronde.
C’est le retour, dans tous les partis, non pas d’une virilité mais d’un virilisme toxique.
Une seule fois n’est pas la coutume mais je ne me l’interdirai pas prochainement ; ce billet est court, il rend compte de mon humeur fortement contrariée par la bataille des égos, en ce moment uniquement masculine.
Il y a quarante ans, l’ancienne Secrétaire d’État chargée de la Condition féminine, Françoise Giroud, nommée par Valéry Giscard d’Estaing, pointait la situation d’inégalité, qui perdure malgré les lois sur la parité ou les quotas qui ont fait hurler hommes et femmes en France.
Quand on est une femme imprégnée de la misogynie de son pays, on peut tarder à comprendre cette phrase sortie de son contexte pour réaliser – tard – que les portes du pouvoir (économique, politique, religieux, universitaire, etc.) sont grandes ouvertes pour les idiots utiles, nommés par un système de cooptation. On acceptera parfois des femmes, des groupies, de celles qui gloussent et qui ne seront pas menaçantes, comme les godillots susnommés.
Peu avant le premier ministre « pop-up » qui prenait son jeune âge pour un atout, la France avait connu sa deuxième première ministre en 66 années de cinquième République. Puisque l’on évoque l’âge, ce n’est pas tant celui-ci qui compte que l’ancienneté dans la sphère publique et politique. Quand les politiciens professionnels sont persuadés que leur petite personne est indispensable et oublient de transmettre le flambeau à un ou une autre, avec un regard neuf, peu nous chaut son âge, il y a quelque chose de pathétique. Je dois néanmoins avouer une relative admiration pour l’inventeur de la formule du « dégagisme » alors que le même personnage vit sur les deniers publics depuis quatre décennies. Et sans que cela n’interpelle son électorat. Chapeau !
Élisabeth Borne, après des jours d’attente et donc d’hésitation, était nommée par le Président de la République pour faire passer la pilule – réforme des retraites, durcissement de l’immigration – à coups de 49.3. La bonne petite soldate essorée était remerciée 18 mois plus tard pour laisser la place au « petit frère » politique du chef d’État.
Comme à Bruxelles, au Berlaymont, avec une présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en peine de parité, il semblerait que les réunions parisiennes au sommet soient désormais interdites au genre féminin. Rappelez-vous les premières photographies de la campagne électorale du Président normal, François Hollande, entouré de seuls hommes. Rappelez-vous l’équipe de « mormons » de l’actuel Président. Et si l’on suit la petite politique politicienne, les visiteurs du soir n’admettent pas de visiteuses sans compter que le maître des lieux à l’Élysée fait en sorte de se réunir avec ceux qu’il pourrait impressionner. Exit donc ces dames !

Nous sommes en 2024 et nous devrions être choqués de ne voir que des crânes dégarnis, des binettes plus ou moins bien rasées sur la photo mais qui pensent tous les matins à la présidentielle devant le miroir de leur salle de bains. Et il est inquiétant lorsque parfois ce sont seulement des hommes -rares-, commentateurs politiques et journalistes, qui pointent l’uniformité des invités à Matignon ou à l’Élysée et que les femmes ne le voient pas ou n’osent pas évoquer le sujet. Il était également impressionnant de constater que lors des réunions de direction de préparation des jeux olympiques, seuls y étaient conviés ces messieurs. On ne parle pas des costumes, bien sûr, Daphné ! Les plumes et les paillettes, c’est un truc de filles !
Soyons vigilantes, soyez vigilants. Le monde va perdre de ses couleurs. Et personne, surtout les femmes, ne va réagir.

Les junkies de la politique ont frôlé l’overdose après cette décision, non pas audacieuse, mais autocentrée de la dissolution de l’Assemblée nationale. Personne n’était prêt, même pas le « baby-boy » Premier ministre qui n’avait pas été mis dans la boucle de la confidence. Si l’on croit les articles des journaux et les indiscrétions – qui sont surtout exagérées par des personnes qui veulent se faire mousser – cette éventualité avait été prise bien en amont en prévision de médiocres résultats électoraux. Une pensée pour Valérie Hayer raillée, méprisée et décriée sur ce soi-disant manque de charisme et de notoriété. On lui accordait une connaissance des dossiers européens comme pour Élisabeth Borne mais ce n’est manifestement pas un critère pour réussir en politique.
Une pensée aussi pour Nathalie Kosciusko-Morizet, écrasée par les très vieux barons de la droite grasse et bourgeoise parisienne, dans sa course à la mairie de Paris, pour Ségolène Royal, empêchée par son ex, vexé comme un poux, pour Valérie Pécresse et Anne Hidalgo dont on conteste toujours et encore les compétences. Il n’est pas besoin d’être une femme politique pour comprendre ce que cela signifie. Nous avons toutes travaillé avec et pour des hommes qui n’avaient pas le centième de nos talents. On s’en rend compte tout de suite mais il est quasiment impossible de gagner la bataille car la solidarité masculine a son ancienneté et en tire sa force. On tourne en rond.
Il serait malhonnête de ne pas admettre que les partis des Verts ou des Insoumis ne mettent pas en avant des femmes mais il y a toujours cette suspicion d’un vernis, d’une distribution de façade, d’une hypocrisie. À la prochaine crise, comme pour les Révolutions, elles seront à nouveau renvoyées dans leur foyer.
Pourquoi dans notre société française qui regorge de femmes nettement plus qualifiées et diplômées que les hommes depuis des décennies, se retrouvent-elles toujours aux emplois les moins bien rémunérés, avec un patrimoine bien moins important que ces messieurs ?

Pendant ce temps, un homme latin, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, à la tribune de l’Organisation des Nations Unies, lors du Sommet sur le futur, à la fin du mois de septembre, a tenu un discours féministe et, à la différence de nos prévisibles hommes et femmes politiques français, considère que l’immigration est une chance pour la société espagnole.
Pendant ce temps, Lucile Peytavin, historienne, dans son livre Le coût de la virilité, tente d’estimer le coût financier – entre autres – des comportement asociaux des hommes pour la société française. Nous y reviendrons prochainement.

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