Tout d’abord, le centre reste majoritairement favorable à une Europe forte, ce qui est essentiel pour la stabilité. En d’autres termes, le centre tient bon.
Mais il est également vrai que les extrêmes de gauche et de droite ont gagné du terrain, et c’est pourquoi ce résultat implique une grande responsabilité pour les partis du centre. Nous pouvons diverger sur certains points, mais nous avons tous intérêt à la stabilité et nous voulons tous une Europe forte et efficace.
Après l’été de Viktor et de Giorgia, il aurait été logique de relater celui du petit Jordan. Mais depuis le 7 juillet, l’actualité estivale politique – donc professionnelle – du président du parti d’extrême-droite français s’est limitée à son élection à la présidence du groupe d’extrême-droite – Patriotes pour l’Europe – cofondé par Viktor Orban, ceci en son absence car un déplacement à Bruxelles, sans rémunération, était inconcevable. Bref, il aurait fallu créer un compte sur le réseau social du gouvernement chinois pour visionner 30 secondes de : Le petit Jordan chez Cyril, Le petit Jordan à la plage, Le petit Jordan mange une glace (variante de Le petit Jordan gloutonne des bonbons gélatineux), Le petit Jordan en Italie, etc.
Inenvisageable.
Fidèle à sa réputation, aucune activité cérébrale pendant près de deux mois et une rentrée, accompagnée par maman, dans les jardins de l’Élysée. On murmure que Marine Le Pen se serait réjouie de la défaite de l’extrême-droite, replaçant son poulain dans l’ombre.
Pendant ce temps, sans aucune comparaison désobligeante, Ursula von der Leyen, reconduite le 18 juillet dernier dans ses fonctions de présidente de la Commission européenne, n’a pas chômé. Coups bas en interne, sens des compromis pour la démocratie au grand dam de son propre groupe politique, meilleure réélection qu’en 2019 et tentative d’équilibrer la composition de sa future commission entre les hommes et les femmes.
L’été d’Ursula von der Leyen était hyperactif au Berlaymont – immeuble du siège de la Commission à Bruxelles -, en opposition totale à celui du champion des selfies. C’est peut-être ce qui sauvera l’Europe. La paresse de l’extrême-droite. Peut-être.
Toujours se méfier de son camp
En mars 2024, lors du congrès du Parti Populaire Européen (PPE), Ursula von der Leyen devait recevoir la bénédiction de son propre parti pour le représenter à l’élection de la présidence de Commission européenne. Elle n’avait pourtant recueilli que 400 voix sur 801 voix de délégués alors qu’elle n’avait aucun concurrent.
C’est dans ce contexte qu’Éric Ciotti, président des Républicains, qui n’avait pas encore franchi le rubicon et alimenté le feuilleton des élections législatives françaises d’épisodes pathétiques, avait déclaré que son parti ne soutiendrait pas sa candidature.
Lors de la campagne électorale des Européennes, la tête de liste des Républicains, François-Xavier Bellamy n’a eu de cesse de souligner ce qui l’éloignait des politiques “technocrates” de Mme von der Leyen et de son penchant pour un fédéralisme. Pour faire plaisir à un électorat de la droite décomplexée et de l’extrême-droite, il clamait haut et fort que son groupe ne voterait pas la reconduction de celle qui n’avait pourtant pas démérité, après un mandat marqué par la pandémie du Covid et le conflit le plus important touchant le continent depuis la seconde guerre mondiale.
Les raisons de son impopularité au sein de son propre groupe reposeraient sur sa tendance à écouter les membres de Renew (centristes), de S&D (socialistes) et, horreur, des Verts (écologistes). Cette ancienne ministre d’Angela Merkel, membre du CDU-CSU, aurait été soutenue par son propre parti uniquement pour garder à la tête de la Commission un ou plutôt une allemande. La droite conservatrice s’en est plutôt bien sortie lors des dernières élections du 9 juin et demeure le premier groupe politique au sein du Parlement européen en nombre d’eurodéputés. On pouvait craindre que la présidente sortante, pourtant du même camp, allait faire les frais d’une politique jugée trop conciliante avec les autres groupes politiques. Les prévisions pessimistes dans la presse européenne insistait sur sa brouille avec Giorgia Meloni, sur les oppositions en interne, de ses “chantiers” ambitieux de premier mandat notamment le Pacte vert mais celles-ci se sont avérées “fausses”. Les campagnes populistes de ses propres “amis” ont bien fonctionné mais c’était sans compter le sens des négociations d’Ursula von der Leyen.
Le sens du compromis et de l’équilibre
En 2019, Ursula von der Leyen devenait la première femme élue à la tête de la Commission. En 2019…
En juillet dernier, 55% des eurodéputés, en théorie, devaient pencher pour la présidente sortante. Rien n’était sûr d’autant que le vote était effectué à bulletin secret. La menace d’au moins un parti – les Républicains français – qui allait recueillir 7,25% des suffrages était alors négligeable.
Le PPE, le groupe politique de la présidente, était donc a priori acquis tandis que la tournée des tractations allaient se faire avec Renew, relégué à la cinquième place en nombre de députés, le S&D, parti social-démocrate, et les “Verts” lésés par la remise en question, à la veille des élections du 9 juin, de différents points de l’ambitieux Pacte vert qui devait être la colonne vertébrale du mandat d’Ursula von der Leyen.
Iratxe García et Valérie Hayer avaient été claires : aucune tractation avec l’extrême-droite n’était tolérée si la présidente sortante voulait obtenir les voix de S&D et de Renew. Alors qu’il était peu probable que les Verts soutiennent la candidature de l’eurodéputée allemande, celle-ci leur a tendu la main, on imagine au grand dam de ses collègues du PPE.
Certains collègues de son propre groupe lui ont fait défaut pour des raisons partisanes, parce que la droite conservatrice ne manque pas d’être populiste avec un sens stratégique plutôt médiocre. C’était négliger les capacités de négociatrice d’Ursula von der Leyen puisqu’elle a été réélue avec une trentaine de voix de plus qu’en 2019.
Un autre sujet qui lui tient à cœur est celui de l’égalité de représentation hommes-femmes au sein de la Commission. Malgré ses appels auprès des 26 autres pays membres de l’Union européenne, très peu ont voulu présenter la candidature d’un homme et d’une femme comme elle l’avait souhaité. Certains, cyniques, ont même rétorqué que les femmes, au sein des institutions européennes, avaient déjà suffisamment de postes à responsabilité, citant Ursula von der Leyen, Roberta Metsola et Kaja Kallas. Manifestement, un perron et une estrade saturés de costumes-cravates sombres ne posent aucun problème tandis que deux ou trois notes de couleur jurent dans le paysage misogyne. D’après les bruits de couloir du Berlaymont, nous ne saurons a priori qu’au mois de décembre à quoi ressemblera la prochaine Commission, les auditions ne commençant que mi-octobre.
Et selon d’autres rumeurs fâchant les centristes, les socialistes et les écologistes, une réconciliation, après la brouille estivale, entre Mesdames von der Leyen et Meloni se serait faite avec une promesse de vice-présidence pour le candidat d’extrême-droite italien, Raffaele Fitto. À suivre…
Pendant ce temps, l’Allemagne est confrontée – comme la France – à la montée de l’extrême-droite qui gagne les élections dans le land de Thuringe, autrefois région de l’Allemagne de l’est. Alternative für Deutschland (AfD), au sein du parlement, a dû créer son propre groupe, étant trop extrême pour d’autres partis d’extrême-droite…
Pendant ce temps, deux responsables politiques affaiblis, Emmanuel Macron et Olaf Scholz, vont dialoguer sans tabous, ce vendredi 13 septembre, aux désormais incontournables rencontres franco-allemandes d’Évian, dans un contexte de prochaines élections américaines au résultat incertain, d’une Europe qui risque de décrocher sur la scène internationale et de la montée inquiétante de l’extrême-droite.
Pendant ce temps, Mario Draghi publie son rapport sur la situation économique de l’UE. Certains acteurs européens s’inquiètent des recommandations de l’ancien président de la Banque Centrale Européenne (2011-2019) et des répercutions sur des règlementations sociales et environnementales durement acquises. D’autres se rassurent et proposent d’attendre les nominations des prochains commissaires et leurs lettres de mission par leur présidente.
Pendant ce temps – à bons entendeurs, en France – le gouvernement de Giorgia Meloni continue de montrer son amateurisme.
Pendant ce temps, en Espagne, le Premier ministre Pedro Sánchez, indéniablement féministe, nomme Isabel Perelló au Conseil Général du Pouvoir Judiciaire et Tribunal suprême. C’est la première fois qu’on y nomme une femme. En 2024…
Pendant ce temps, le petit Jordan, soupçonné d’avoir produit de faux documents, est rattrapé par les affaires des assistants parlementaires fictifs au Parlement européen.