Les indécents

[La Cour suprême] bafoue l’essence même de ce qui a fait de l’Amérique un grand pays dans son système politique. Il ne s’agit plus que d’une oligarchie, où la corruption politique sans limites est la règle pour obtenir les nominations à la présidence ou pour élire le président. Il en va de même pour les gouverneurs, les sénateurs américains et les membres du Congrès.
Nous venons donc d’assister à une subversion absolue de notre système politique en faveur des principaux donateurs qui attendent et parfois obtiennent des faveurs pour eux-mêmes une fois l’élection terminée. […]
Les candidats sortants, démocrates et républicains, considèrent cet argent illimité comme un grand atout pour eux-mêmes. Quelqu’un, en place déjà au Congrès, a beaucoup plus à vendre à un contributeur avide qu’un autre qui n’est qu’un opposant.
Jimmy Carter – juillet 2015 – interview par Thom Hartmann sur l’autorisation, en 2010, de la Cour suprême donnée aux entreprises de verser des sommes d’argent illimitées aux candidats d’une campagne électorale américaine – Lire ici pour en savoir plus

Mon dernier billet évoquait et citait l’ancien – décent – Président américain, Jimmy Carter, décédé en décembre. Ce premier billet de l’année 2025 se doit de l’évoquer à nouveau d’autant que, dans quelques jours, « la chose orangée » sera officiellement président d’un pays désormais malade, vérolé par les intentions des cupides entrepreneurs de la tech, les mâles suiveurs, et prochainement verrouillé pour des décennies par les objectifs des ultra-conservateurs qui vont petit à petit, mais inéluctablement, imposer leur agenda, le « Project 2025. »
Nous ne sommes même pas sûrs que l’agent immobilier new-yorkais respectera la tradition des drapeaux en berne – en hommage à Jimmy Carter – lors de la cérémonie d’investiture du 20 janvier prochain. Il a déjà commencé à chouiner. Mâle alpha, on vous dit…
Interrogé par CNN, quelques jours après l’élection américaine, Bob Woodward – l’un des journalistes de l’affaire du Watergate – disait ceci : « Le problème, c’est que l’on regarde tout ça comme s’il s’agissait d’un zoo et que nous étions à l’extérieur. Mais nous devons nous rendre compte que nous sommes dans ce zoo. [Donald Trump] va être président pendant les quatre prochaines années. Les présidents ont des pouvoirs exceptionnels et Trump va les utiliser. C’est ce qu’il a fait lors de son premier mandat, sans doute pas assez à son goût, et nous ferions mieux d’en avoir peur.« 

En Europe, nous avons les obligés de Donald Trump et de son désormais « best friend forever », Elon Musk, le Sud-Africain blanc d’extrême-droite. Ce sont Viktor Orbán, premier ministre hongrois, Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien – désignée par le site Politico Europe comme la personne la plus puissante de notre Union – et Robert Fico, premier ministre slovaque. Ces pieds nickelés n’ont pas attendu les élections présidentielles pour prêter allégeance à Donald Trump qui pourrait profiter de la faiblesse économique et politique de l’Union européenne pour imposer des discussions bilatérales avec chaque pays membre. A qui le tour ? Qui sera le plus soumis ?
Par ailleurs, si le Sud-Africain masculiniste interfère dans les élections de nos pays grâce à son réseau social – qu’il a rebaptisé de la lettre utilisée pour la pornographie, bien vu -, il peut aussi menacer notre sécurité. Selon le quotidien britannique The guardian : « Interrogée sur les informations selon lesquelles l’Italie est en « pourparlers avancés » avec SpaceX, la société de Musk, pour utiliser son système satellitaire Starlink afin de fournir des communications sécurisées au gouvernement et à l’armée italiens, Mme Meloni a déclaré qu’elle n’avait jamais « parlé personnellement avec lui » à ce sujet ». Nous sommes en droit de douter des propos de la dirigeante d’extrême-droite qui défend l’homme le plus riche du monde quant à ses intentions belliqueuses sur l’Europe. Attention aux dindons de la farce ! Il est presque certain que la soumission ne leur réussira pas, qu’en tout cas ils seront déçus du retour sur investissement. Ne pas oublier que l’Europe est plus forte que l’Italie isolée.
Pendant ce temps, les réactions fermes attendues de la présidente réélue de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et de la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, tardent.

Ces derniers mois, au fur et à mesure des gouvernements français qui tombent, la droite réactionnaire a pris beaucoup de place dans les débats des… journalistes et des très anciens hommes politiques des années 90, en mal de lumière. Lorsque les Français sont interrogés par sondage, s’ils ne sont pas orientés, le thème de l’immigration se retrouve bien loin dans la liste des préoccupations de nos concitoyens, et quand la liste est dirigée, la question de « l’envahisseur » n’apparaît qu’à la cinquième ou la sixième place. La classe politique française nous fait penser aux politiques Républicains, obsédés par le thème du wokisme lors de la dernière campagne présidentielle américaine. Vous savez, comme celles et ceux qui nous font le triptyque « travail, famille, patrie » ou use du slogan « la tête haute, les mains propres », et que l’on retrouve mêlés à des scandales sexuels et/ou de détournement de l’argent public. Fatigue…

Le procès dit de « Mazan » s’est achevé fin décembre, et des condamnés – nombreux, 17 sur 51 – font appel de la décision de justice. Ils en ont le droit. Quelle indécence néanmoins.
Lorsque le phénomène #metoo a éclaté suite à l’affaire du porcelet du cinéma américain, celles qui sont plus attentives prévoyaient l’effet « retour du bâton » de cet élan, pourtant salvateur. C’est vrai, jusqu’ici ces messieurs pouvaient sans se soucier – avec la complicité de l’entourage professionnel, de la famille ou des amis – violer les enfants et les femmes. Nous étions par ailleurs, il y a quelques années seulement, à parler encore de crime d’amour, de crime passionnel lorsqu’une femme était harcelée, terrorisée et – engrenage logique d’une frustration masculine non maîtrisée – assassinée. Celles qui ont alerté à de multiples reprises, et particulièrement les institutions, succombent sous les coups d’un sous-homme qui se pense propriétaire de la vie d’un être humain. Depuis peu, les forces de l’ordre sont informées et formées à une forme indirecte et bien perverse de féminicide, le suicide forcé. Ce qui porterait le nombre de victimes, en France, à 1185 femmes et non 93.
Dans son discours de politique générale, hier après-midi, le nouveau Premier ministre a consacré quelques dizaines de secondes à la violence exercée sur les femmes, un sujet si politique, un drame qui détruit toutes nos sociétés. Il va sans dire que, dans un contexte de réduction des dépenses de politiques publiques, la part du budget consacré au contrôle de nos frontières sera privilégiée à celle consacrée aux mesures de protection des femmes et des enfants.
Indécence.

Trop peu de personnes encore se rendent compte du tsunami qui nous fonce dessus, que ce soit un tsunami de la haine de l’autre, un tsunami de violence – façon boomerang – aux tentatives des femmes de sortir de l’engrenage de la maltraitance et de domination de leurs corps, ou encore un tsunami environnemental alternant entre les inondations et les incendies.
L’immense majorité des gens ont le dos courbé, la tête penchée, le corps soumis à tous les écrans. L’immense majorité des usagers ne savent pas ce qui se cache derrière les outils qu’ils utilisent. L’immense majorité des gens ne se demandent pas ce qu’est un algorithme, et manifestement, ils s’en moquent. Si ces outils leur facilitent la tâche, leur permettent de ne pas penser, et de harceler l’autre.
David Bowie, dans une intervention pertinente, imaginait – avec acuité – le danger de la relation déséquilibrée entre le fournisseur et l’usager. En 1999. Nous en étions au début de l’internet diffusé au public.

Interview de David Bowie – 1999

Le danger n’est pas le réseau, la connexion entre nous. Le danger, toujours, réside dans la paresse intellectuelle, dans la facilité, dans le manque de curiosité. Alors, nous sommes manipulés. Parce qu’on le veut – vaut – bien ?
Dans un article du Monde, relatif à la possibilité par certaines applications courantes (Le bon coin, Candy crush, Vinted, etc.) de géolocaliser très finement l’usager, on apprend que : « L’exploitation de la position géographique des internautes pose des risques documentés pour la vie privée, voire la sécurité des individus. Initialement prévus à des fins marketing et publicitaires, ces fichiers peuvent aussi être instrumentalisés pour le renseignement. Plusieurs enquêtes de presse se sont notamment penchées sur l’outil Locate X, créé par l’entreprise américaine Babel Street, qui permet de suivre des individus à partir de leurs identifiants publicitaires. En octobre, le site spécialisé 404 Media montrait comment ce service, vendu aux autorités américaines, pouvait être utilisé pour identifier les femmes qui se rendent dans des cliniques d’avortement, dans les Etats où l’interruption volontaire de grossesse est désormais interdite« .
Indécence, encore.

Depuis plusieurs lustres, ces idées de menace imminente, de retour de la loi du plus fort me hantent. J’ai cru, au départ, que mon attention au monde, ma sensibilité aux discriminations, la haine des femmes – je n’écris plus sexisme car cette discrimination ne s’applique concrètement qu’aux femmes -, l’antisémitisme, le racisme, l’homophobie me jouaient des tours. Comme on me l’a souvent répété, j’aurais une tendance à exagérer les événements, à voir la nature humaine plus sombre et plus égoïste qu’elle ne l’est véritablement. Soit.
Tout ce que je dénonçais et que je continue de dénoncer apparaît soudainement – pour encore trop peu de gens, je le répète – sous la lumière des projecteurs alors que pour quelques-uns d’entre nous, les signaux étaient déjà allumés depuis fort longtemps. Rappelez-vous, cet été encore, lorsque les commentateurs de l’actualité abordaient la campagne électorale du désormais président-élu, et se gaussaient devant les horreurs proférées. Ou encore, ces animateurs de plateaux de chaînes d’information en continu, dont je ne peux croire qu’ils possèdent une carte de presse, dans l’incapacité ou le manque de volonté de questionner les énormités des candidats aux élections européennes et législatives.

Depuis des années, la France suit la même diète que les britanniques ont relancée à la fin des années 2010, et la campagne de santé publique « dry january » ou « janvier sobre » fait le tour des pays dits développés. Pour certains d’entre nous, ce sont les informations nationales et internationales qui nous donnent la gueule de bois, non pas pour les événements en eux-mêmes, mais pour la manière dont ils sont traités, ou pour être plus juste, dont ils ne sont pas traités. L’immense majorité des journalistes et des « mesdames-messieurs-experts-en-tout » nous encouragent, malgré eux, à déserter les plateformes des chaînes de télévision d’information continue. Les débats ne sont plus – à de rares exceptions – que des logorrhées d’éléments de langage de chaque camp. Bien au-delà de la fausse information – qui serait soi-disant de plus en plus difficile à déceler – pour ma part, c’est surtout et encore la paresse intellectuelle des commentateurs qui m’incite à me mettre à la diète. Mes lectures seront forcément plus difficiles et stimulantes.

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