« in a world of Donald, be a Jimmy »

Je consacrerai à ce combat pour l’égalité des femmes toute ma passion, toutes mes forces, pour le reste de ma vie.
Jimmy Carter | 2014

Une fois n’est pas coutume, je consacre l’introduction de ce dernier billet de l’année 2024 aux femmes et à ceux – rares – qui montrent une empathie non feinte à la moitié de la population qui continue de souffrir, d’étouffer et pourtant de résister sous les coups des affreux, dans le silence assourdissant des non moins autres affreux et lâches.
Nous avons cette sensation que chaque nouvelle année fait concurrence à la précédente pour se hausser à la première place du podium de l’horreur, alors que nous nous souhaitons sempiternellement une humanité retrouvée – plutôt trouvée d’ailleurs – et une réconciliation. Sans s’écouter – hommage aux piètres députés de l’Assemblée nationale -, cela est inenvisageable.
En France, la classe – pas classe – politique se ridiculise grâce à celles et surtout à ceux qui sur-estiment leurs compétences, qui s’amusent à utiliser un langage de charretier lors de petites réunions mâles aux effluves de whisky, qui sont persuadés que leur présence à des réunions multiples, leur appartenance à des groupes WhatsApp de potins politiques, sont des preuves de leur implication, de leur travail. Tout cela en donnant des leçons de courage et de sobriété à ceux de leurs compatriotes qui sont déjà sur le bas-côté de l’autoroute.
En Europe, la corruption gagne nos élus et leur entourage. Ursula von der Leyen tente de résister au machisme ambiant. On espère que, cette année 2025 et les suivantes, elle résistera également à l’appel des sirènes américaines. Ce ne sera sans doute pas avec l’aide de Giorgia Meloni ni celle de Viktor Orbán, respectivement sous le charme du duo cauchemardesque, les suprémacistes Elon et Donald. Si l’Allemagne frugale veut donner des leçons de fourmi à la cigale française, elle n’est pourtant pas en meilleur état économique et politique.
Dans le monde, les talibans continuent d’enterrer vivantes les femmes, les petites et jeunes filles, le Proche-Orient est ensanglanté, Taïwan est menacé par la Chine, la Corée du sud a connu une tentative d’instauration de la loi martiale, l’Argentine loue la politique à la tronçonneuse de leur président, les Vénézuéliens ont depuis des décennies perdu leur liberté et souffrent de la faim, ils continuent d’émigrer vers la terre promise, celle de l’oncle Sam tandis que les catastrophes naturelles se multiplient, gagnent en intensité et touchent bien évidemment les plus démunis. Il n’y a pas un seul endroit sur cette planète qui nous donne de l’espoir.
2024 est, entre autres, l’année qui remet en selle le Donald avec des sbires encore plus dangereux, parce que préparés, alors que le Jimmy a lâché son dernier souffle, il y a deux jours, le 29 décembre. Bien évidemment, le centenaire – l’homme des accords de Camp David – était depuis un moment sur le point de nous quitter mais cette juxtaposition nous donne à croire que le ciel est orageux, que les nuages noirs vont continuer de s’amonceler sur nos têtes.
Heureusement, le bonheur et la grâce nous saisissent dans les salles obscures et au théâtre au moment où les obsédés – notamment les obsédéEs – de la hache préconisent des coupes sombres dans le budget de la culture !

crédit photo : pratham gupta

Le 19 décembre, après quasiment 4 mois de procès, Gisèle Pelicot s’est adressée, digne, au monde entier, suite à la condamnation des dizaines de sous-hommes qui l’ont torturée, pendant au moins une décennie. Ce procès avait commencé avec un bourreau, son mari, qui cherchait à se dérober au tribunal, pauvre petite chose qui souffrait physiquement. En face – et elle donnait le ton – une grande dame, son ex-épouse, qui pourtant avait été abusée, droguée, violentée des années durant, se tenait debout, majestueuse et imposante. Je vous avais parlé des violences faites aux femmes dans le billet consacré à l’émotivité des hommes, de ceux que l’on assimile à tort au sexe fort. On a dit et écrit que la honte avait changé de camp. Il est vrai qu’en imposant la publicité du procès – non pas en l’acceptant comme on l’entend parfois -, avec tous les risques que madame Pelicot pouvait prendre, les caméras du monde entier se sont braquées sur le tribunal d’Avignon, et ces minables qui comparaissaient libres se cachaient sous leurs capuches et leurs masques. Et c’est là que le bât blesse. Il y avait des preuves des crimes perpétués par ces pauvres individus parce que l’époux pervers consignait ces barbaries dans des enregistrements vidéos. La violence extrême exercée sur les femmes et leurs enfants reste dissimulée derrière les portes. Et jusqu’à récemment, même quand la monstruosité est sous les yeux des hommes et des femmes, on pense au microcosme culturel, notamment celui du cinéma, personne ne moufte. Ceux-ci devraient frémir de honte, s’empêcher de continuer de pérorer sous les lumières des projecteurs. S’empêcher.

sculpture tête femme noir et blanc
yeux et nez de statue de bouddha de marbre greige

Quand on évoque le caractère politique des violences – ce terrorisme – exercées contre les femmes, beaucoup s’exclament : quelle exagération ! Pourtant, les femmes appartiennent à cette catégorie de seconde zone, que l’on relègue dans les foyers dès que l’occasion se présente. Sur cette planète, place nette est offerte aux vieux messieurs, la gérontocratie est un style, le mâle marque son territoire notamment en France.

Mais la violence peut être aussi exercée par les femmes, dans un cadre institutionnel, celui de la police ou du milieu carcéral, comme une réaction à celle qu’elle subit. Le cinéma l’a évoqué cette année avec un film indien, Santosh, réalisé par la cinéaste Sandhya Suri, et un film danois Sons, réalisé par Gustav Möller.

Deux coups au cœur, le 9 juin au soir, à l’annonce des résultats français des élections européennes, du succès de l’extrême-droite, suivie par le deuxième effet « kiss cool » – seuls les plus âgés peuvent comprendre -, la décision capricieuse du chef de l’État de dissoudre l’Assemblée nationale. Depuis, c’est la descente aux enfers – assortie de ridicule – pour les divers partis politiques français et leurs indécents carriéristes.
Après les élections européennes, dès le 1er juillet, la Hongrie et son Premier ministre ont pris les rênes de la Présidence du Conseil de l’Union européenne, au mépris de toute considération de notre construction et avec des initiatives magyares très personnelles. L’été de Viktor fut bien rempli, les miles se sont accumulés pour rencontrer d’autres autocrates, tandis que Giorgia Meloni, triomphante hôtesse du G7 dans les Pouilles, a failli dans ses relations estivales avec la Présidente réélue de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Les tractations se sont multipliées tout l’été dans les couloirs du Berlaymont, siège de la Commission.
Tout s’est bien fini pour l’Italienne qui a réussi à faire élire le candidat de son parti d’extrême-droite à l’une des vice-Présidences de la nouvelle Commission. Ceci a bien évidemment provoqué des remous au centre et à gauche de l’hémicycle. Les calculs de la Présidente allemande pour conserver une cohésion européenne sont dangereux. Rester vigilant. Toujours.
Nous aurions souhaité écrire un billet sur les tribulations du petit Jordan dans les couloirs de Bruxelles mais nous attendons avec impatience qu’il se désabonne de sa salle de musculation, qu’il lâche son smartphone avec lequel il inonde ses followers de vidéos sans intérêt, et qu’il se mette – enfin – à travailler !

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On a redécouvert, avec la guerre de la Russie vorace et corrompue en Ukraine, le triangle de Weimar, ce format de coopération franco-germano-polonaise, créé il y a plus de 30 ans pour accompagner la Pologne dans son processus d’adhésion à l’Otan et à l’Union européenne. Pour des raisons d’inimitiés politiques mais surtout de désintérêt pour les pays d’Europe de l’Est, cette coopération trilatérale a le plus souvent battu de l’aile. Ces derniers mois, avec l’affaiblissement en interne du chef d’État français et du chancelier allemand dont les deux pays, pour des raisons institutionnelles, très différentes ont connu la dissolution de leur assemblée de députés, on est tenté de penser que l’homme fort du trio est désormais le Premier ministre polonais, Donald Tusk, qui a réussi en 2023 à enlever le pouvoir au parti ultra-nationaliste le PiS. Les regards devraient se tourner plus vers celles et ceux qui connaissent mieux que nous leurs voisins russes. L’audace n’appartient plus depuis des lustres à l’Europe de l’Ouest. Écoutons les pays baltes, les pays de l’Europe centrale.

En concoctant ce récapitulatif, je réalise que j’ai commencé le début de l’année en mettant en ligne deux premiers articles consacrés à… l’antisémitisme et les horreurs systématiquement associées. Il est évident que le massacre du 7 octobre 2023 a guidé ma plume mais de façon plus générale, on observe depuis la deuxième intifada une montée inquiétante de la haine des juifs et de la violence exercée contre eux. À nouveau, la peur pétrifie, à raison, celles et ceux, dans le monde entier, qui se demandent où ils peuvent vivre sans être les cibles systématiques d’un monde qui perd pied. Ainsi je me suis émue, comme d’autres intellectuels, de la faille empathique de nos concitoyens à la suite de ce massacre, et j’ai classé le film La zone d’intérêt de Jonathan Glazer, consacré au camp d’Auschwitz – et encore à la faille empathique des nazis – parmi les films les plus saisissants de 2024.
C’est l’occasion de vous recommander ce magnifique roman de Stéphane Giusti, Le juif rouge, qui nous entraîne dans la Mitteleuropa et qui vient de recevoir le prix des lecteurs des bibliothèques de Paris.

le nazi Rudolf Höss dans un couloir image du film La zone d'intérêt
quatre petites statuettes
photo de donald trump dans un panier de vélo
statue de la liberté new-yorkaise vue de dessous

Nous pensions, dès 2022 et surtout en cette année 2024 qui a vu les mises en examen et les procès se multiplier contre le « ugly Donny » – Donny le laid -, que nous n’aurions plus un seul recoin de notre cerveau qui se préoccuperait du personnage. Je dois l’avouer, je faisais partie de ceux qui se réjouissaient de le voir englouti par les affaires. Confession : très mauvais flair politique et surtout mauvaise connaissance de l’électorat américain qui a considéré qu’il n’avait pas été suffisamment ridiculisé sur la scène internationale, de 2017 à 2020. Donald Trump est de retour, peut-être pour 4 années mais surtout, son entourage va profiter de ce mandat pour imposer de nouvelles lois, pour renforcer sa présence dans toutes les institutions, pour modifier à son avantage les relations entre le peu d’État qui subsiste et les administrés, pour accroître si c’est encore possible ses richesses, pour briser définitivement la démocratie américaine, avec ses conséquences sur le reste de la planète dont l’Europe. Le monde est au bord du précipice. J’en ai parlé ici et .

Vous les entendez, ces appels à sabrer dans les budgets de la culture et du tissu associatif. Ceux-ci viennent de la droite bien rance – en lutte contre le wokisme qui est bien plus une obsession pour elle que pour les acteurs du monde culturel -, la droite conservatrice qui veut bien verser au patrimoine – aaaah, culture et tradition, nos chers artisans, nos cathédrales – mais qui suggère que, dans un contexte de dette publique, l’argent dédié à la création n’est pas une priorité. C’est bien plus politique que ce que les Français veulent entendre. C’est une façon grossière de privilégier les idées de son propre camp, et de ne proposer qu’un point de vue à ses administrés. Le monde est multiple, et cette variété doit être représentée. À quand, comme aux États-Unis, le bannissement des livres qui choquent, des bibliothèques ?
Vous connaissez mes billets de coups de cœur au cinéma. J’en ai déjà parlé un peu plus haut dans le paragraphe sur la résistance des femmes. Le Mexique était à l’honneur, et je me suis retrouvée un peu seule sur la critique du dernier opus de Jacques Audiard. Fort heureusement, au même moment, un film de deux cinéastes mexicaines Astrid Rondero et Fernanda Valadez, moins distribué, avec un budget modeste, a fait battre mon cœur. Si l’argent public est dirigé sur les valeurs sûres, attendons-nous à ce que les producteurs prennent encore moins de risques et nous aurons toujours les mêmes scénaristes et des cinéastes interchangeables grassement financés tandis que les plus jeunes et les femmes seront toujours mis de côté. La gérontocratie va gagner aussi le cinéma.

crâne de la muerte devant bougie allumée_brian-wegman
scene karthasy fumée
façade théâtre Gennevilliers nuit enseigne lumineuse rouge


Cette année, en septembre, je me suis décidée à vous partager aussi mes expériences au théâtre. Les premiers spectacles étaient espagnol, lituanien, ou hongrois, norvégien, et ce furent de belles surprises et un peu de déception. Du côté français, un metteur en scène très connu, Alain Françon, a fait le bonheur des spectateurs des Amandiers à Nanterre avec Les fausses confidences de Marivaux tandis qu’une plus jeune metteuse en scène/marionnettiste/costumière, Alice Laloy, fut mon émerveillement de cette fin d’année avec son étonnant et minutieux spectacle Le ring de Katharsy ! Quand on a la chance d’assister à ce dernier spectacle, on souhaite plus que jamais que le budget de la culture se hisse à la hauteur des ambitions de ces talents.

Très bonne année 2025 ! Je vous souhaite à tous de poursuivre vos rêves les plus fous, de ne pas sombrer – malgré mes billets – dans le renoncement. Continuez à lire, à réfléchir, à recouper les informations, à privilégier la complexité de la pensée et la nuance.

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