Le mal ne cesse pas d’être le mal sous prétexte que la majorité y participe.
Alors que les élections de mi-mandat en 2022 confortaient les Démocrates américains et que les mises en examen de l’ancien président américain se multipliaient, nous nous étions persuadés que nous n’aurions plus à subir les problèmes cognitifs et la haine à l’haleine fétide du 45ème président américain.
Cette fois-ci, le vote est clair : les Américains, dans une large majorité, ont préféré un homme – un crétin et un criminel – à une femme diplômée et tournée vers les autres, sensible à l’injustice.
Une campagne électorale de 100 jours confrontée à une campagne de 4 années ne peut engendrer des miracles. Elle ne pouvait donc déboucher sur un succès d’autant que la candidate démocrate avait à son pied un boulet, un vieux monsieur qui avait promis de ne faire qu’un mandat et de céder sa place, et qui n’a pas tenu ses promesses. Un vieux monsieur dont elle aurait dû se détacher mais que, par politesse, elle a épargné. Un vieux monsieur qui a pensé trop longtemps qu’il serait meilleur candidat qu’unE candidatE noire.
Depuis des années, et surtout depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Europe – et pas uniquement l’Union européenne – sait qu’elle doit renforcer ses capacités à se défendre, préserver et protéger son modèle démocratique mais l’heure n’est plus à la nuance et à la complexité, et les populistes de droite comme de gauche en profitent pour se vautrer dans les failles et les faiblesses de nos systèmes politiques.
Déjà, la perspective d’un retour de « l’agent orange de la Russie » à la tête de la première puissance mondiale était évoquée et sa décision – ou plutôt celle des acteurs économiques qui tirent les ficelles de cette marionnette – de ne plus participer à la défense. Il fait toujours ce qu’il a dit, disent-ils. C’est hautement probable. Il y a 8 ans, le mono-neuronal au pouvoir – incapable de se concentrer sur une demi-page d’une synthèse – était entouré de conservateurs qui freinaient ses impulsions de narcissique et de petit garçon de 2 ans ne sachant pas gérer ses frustrations. Dorénavant, les conseillers seront les antisémites, misogynes, homophobes et racistes, Elon Musk et Robert F. Kennedy Jr., parmi d’autres.
Ce mardi 5 novembre – tout comme le 8 novembre 2016 – est un jour funeste.
Et pourtant, sur nos plateaux de télévision française, on s’habitue déjà. On loue le stratège et l’intelligence politique du personnage tout en dénigrant la candidate américaine. Et pourtant, sur nos plateaux, le monsieur Michu de l’analyse politique a tout compris et ne tremble pas à l’idée que la presse puisse un jour comme en Hongrie être muselée. Il ne tremblera sûrement pas lorsque les femmes vont avoir de sérieux ennuis.
crédit photo : samantha sophia
Une Amérique malade
Arrêtons de clamer que ce sont les qualités et les talents de Donald Trump qui l’ont fait accéder à nouveau à la Présidence des États-Unis. N’oublions pas le faible quotient intellectuel du personnage. Arrêtons de dire qu’il est plus intelligent que les gens ne le pensent. En tout cas, ceux qui en sont persuadés doivent s’interroger sur leur propre capacité intellectuelle et leur niveau d’exigence.
Les commentaires de ce côté-ci de l’océan sont particulièrement élogieux et… surprenants. Fort heureusement, quelques vrais experts de la géopolitique remettent à leur place certains animateurs de plateaux singulièrement excités par les résultats de ces élections. « Enfin, quelque chose qui se passe, on commençait à s’ennuyer avec l’Ukraine… «
Donald Trump a bénéficié d’appuis des propriétaires des entreprises les plus importantes, des multi-milliardaires de son pays, il a bénéficié des ingérences – encore – de la Russie dans la circulation de fausses informations, relayées par les réseaux sociaux de ses acolytes et les influenceurs d’extrême-droite.
C’est l’Amérique qui a fait Trump et non le contraire. C’est une Amérique malade au sens propre comme au sens figuré. C’est une Amérique qui ne s’est jamais débarrassée de son racisme, de sa violence, de sa haine des femmes et de son antisémitisme. C’est une Amérique sous perfusion de gras et de sucre, et accessoirement d’injection de Botox. C’est une Amérique sous opioïde – le Fentanyl de rue – qui nous présente un spectacle de zombies dans les centre-villes à Philadelphie ou à San Francisco.
Bref, le prochain Président des États-Unis ressemble à son pays. Il est laid.
Ce n’est pas le moment de baisser les bras. C’est le moment de retrousser nos manches. C’est le moment de s’organiser, de se mobiliser et de rester engagés au nom de la liberté, de la justice et de l’avenir.
Encore maintenant, une trop grande partie de nos prétendus experts ont des pudeurs de langage. « Non, on ne peut pas parler de fascisme, les mots ont leur sens et je n’utilise ce vocabulaire que dans son contexte historique des années 30. » Nous le savons tous, ce qui se passe aux États-Unis arrive forcément en Europe, et d’autant plus facilement que les modes de communication et d’information sont puissants et téléguidés, d’autant plus violemment que nous avons des complices à l’intérieur de nos institutions en commençant par des chefs d’État cupides comme Orbán, Fico, et Meloni.
Une Europe naïve
De tous les chefs d’État européens, Emmanuel Macron s’est précipité, comme le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, pour féliciter Donald Trump.
Lors du premier mandat, le président de la République française avait une ambition, être son principal interlocuteur européen. Depuis, la situation a sensiblement changé.
Avec sa décision « Am stram gram » de dissoudre l’Assemblée nationale, le chef d’État est affaibli sur le plan intérieur mais aussi en Europe.
Aujourd’hui, jeudi 7 novembre, le grand ami de Donald Trump, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, reçoit à Budapest le 5ème sommet de la Communauté politique européenne, et réunit 47 dirigeants de toute l’Europe, avant que les dirigeants de l’UE ne dînent et ne discutent du 47e président des États-Unis. D’après une indiscrétion diplomatique, le Hongrois pourrait même essayer de faire participer le vainqueur des élections américaines au dîner par liaison vidéo. Bruxelles a dû demander que la réunion soit limitée aux seuls invités officiels. Un comble, d’avoir à le préciser.
Depuis l’agression de la Russie en Ukraine, tous les acteurs européens se répandent en beaux discours sur notre indépendance militaire, sur les investissements gigantesques à entreprendre sur notre défense mais aussi sur nos capacités industrielles tout en ne laissant pas de côté nos ambitions environnementales. Concrètement, où en sommes-nous ?
Toujours dans de beaux discours. Et la présidente de la Commission européenne n’est pas aidée, entourée de mâles alpha qui agissent seuls dans leur coin.
Sachant que chaque pays européen a ses contraintes, un agenda, et que c’est toute la beauté – et la difficulté – de l’Union de passer outre, le réfractaire orangé aux relations multilatérales va en profiter. Lorsque l’administration de Joe Biden s’assied à une table, celle-ci est européenne. Lorsque l’administration trumpiste s’assiéra à une table, elle sera bilatérale, et il profitera des objectifs et des intérêts personnels de chaque pays européen pour diviser et détruire notre Union. Chaque dirigeant européen montrera à ce moment crucial ou sa force, ou sa faiblesse.
Certains naïfs pensent que Donald Trump ne mettra pas ses menaces à exécution. Souvenez-vous de son premier mandat, il l’avait promis aux américains pendant sa campagne et il l’a fait : le « muslim ban », le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat, le retrait de l’Unesco, celui de l’accord sur le nucléaire iranien, etc.
Il a aussi promis de « protéger » les femmes, qu’elles le veuillent ou non.
Pendant ce temps, de ce côté-ci de l’Atlantique, les auditions, devant le Parlement européen, des commissaires désignés par les pays membres de l’Union européenne ont commencé la veille des élections américaines. Hormis la presse écrite et des chaînes comme Arte, personne ne l’évoque. Hier, le commissaire hongrois désigné – Santé et bien-être animal -, Olivér Várhelyi, s’est fait bousculer pour, entre autres raisons pertinentes, son incompétence sur le sujet et ses positions conservatrices sur la question de la santé reproductive. Il avait aussi traité les eurodéputés « d’idiots » au début de l’année. C’est sûr, cela ne va pas aider. Un second round de questions écrites lui a été imposé.
Pendant ce temps, Birgitta Ed, l’épouse du Premier ministre suédois conservateur, Ulf Kristersson, fait polémique en s’affichant lors de manifestations publiques, notamment celle du sommet de l’OTAN, avec sa tenue cléricale de prêtre de l’Eglise luthérienne évangélique. Les Suédois, même si une moitié d’entre eux continue de verser une obole à l’Église, se vantent d’avoir un modèle laïque…
Pendant ce temps, les paris sont ouverts pour deviner combien de temps, Elon Musk, promis à un poste de Secrétaire à l’efficience gouvernementale, restera « ami » avec un autre mâle alpha, vous savez de ceux qui comme les chiens et les chats marquent leur territoire.
À Bruxelles, les groupes de pression et les laboratoires d’idées américains sont installés depuis la création de nos institutions et s’incrustent avec plus ou moins de complicité – et de succès – dans l’élaboration de nos directives. Les conservateurs essaient de séduire les fonctionnaires ou les parlementaires. L’Amérique va devenir une forteresse, elle qui clame son libéralisme. Cherchez l’erreur. Ce sera le sujet du prochain billet.